(Tous s'exprimaient en répondant à la mauvaise question)
Error communis facit jus (L'Erreur communément partagée fait le Droit) :
Ils répondaient à la question : « Qu’est-ce qui détermine l’Homme ? Quand est-ce que l’embryon devient quelqu’un ? ». Ils ne percevaient pas que la question du respect de l’embryon ne dépend pas de la réponse donnée à cette question.
"Alors que son enfant n'était pas à ses côtés ce jour-là, elle arguait que son foetus était quelqu'un le jour de l'accident !"
Les Cours et les tribunaux de Justice furent amenés à s’exprimer sur le sujet de l’embryon et du fœtus, entre autres, lors des législations sur l’avortement, ainsi que dans les cas particuliers d’atteintes accidentelles à la vie de fœtus. A chaque fois, cette question – « l’embryon/fœtus = quelqu’un ? » - fut la question centrale à partir de laquelle ces affaires furent réglées. Aussi bien les opposants que les partisans des lois ivg, ou en matière d’atteintes accidentelles à la vie de fœtus, aussi bien la partie demanderesse que le défendeur, chaque partie, a toujours plaidé sa cause en répondant à cette question.
Toujours la même idée, toujours le même argument, toujours la même erreur.
L’ampleur de cette erreur se mesure à l’aune de quelques extraits de décisions de Justice. Il est ici présenté quelques-unes de ces décisions qui illustrent combien cette question est à la base de tout positionnement sur ce sujet de l’embryon (ou du fœtus) :
Plan :
Affaire de Lyon. Golfier c/Vo. Tribunal correctionnel de Lyon, 03 Juin 1996.
Cour d’Appel de Lyon, 13 mars 1997.
Affaire Vo c/ France. Cour européenne des Droits de l’Homme, 8 juillet 2004.
Affaire de Metz, Cour de Cassation, Assemblée plénière, 29 Juin 2001.
Cour d’Appel de Versailles, 19 janvier 2000.
• Affaire de Lyon. Golfier c/Vo. Tribunal correctionnel de Lyon, 03 Juin 1996 :
Dans cette affaire, faisant preuve d’une certaine négligence, confondant sa patiente avec une autre du même nom, un obstétricien procéda à une extraction de stérilet sur sa patiente venue pour un suivi de grossesse. Cette intervention perfora la poche des eaux et condamna le fœtus. Un avortement thérapeutique dut être pratiqué.
Le médecin fut poursuivi pour homicide involontaire. Le 3 Juin 1996, le tribunal correctionnel de Lyon considéra cependant que l‘infraction n’était pas constituée au motif suivant : « le fœtus n’étant viable qu’à partir de 6 mois, (...) le fœtus âgé de 20 à 21 semaines n’était pas viable (...) il n’était pas une personne humaine ou autrui au sens des articles 319 ancien et 221-6 nouveau du Code Pénal ».
La viabilité du foetus correspond à son aptitude à survivre hors du ventre de sa mère. Selon les tenants de ce critère, cette aptitude témoignerait d'une indépendance du fœtus par rapport à la mère et donc de son « individualité ». Devenons-nous quelqu’un en devenant « viable » ? Le problème est que l’instant de la viabilité n’est pas un instant fixe. L’aptitude d’un fœtus à survivre hors du ventre de sa mère dépend en effet du développement technique d’une société. Des fœtus qui hier n’auraient jamais survécu le peuvent aujourd’hui grâce aux progrès de la médecine. Faut-il alors penser que tel fœtus, dû aux progrès de la science, n’était pas quelqu’un hier, mais l’est aujourd’hui ? Faut-il penser qu’un foetus qui n’est pas quelqu’un aujourd’hui le sera peut-être demain car la communauté humaine aura développé un procédé lui permettant de survivre ? Absurdité totale ! L’Homme est une donnée Universelle et Immuable qui ne saurait varier suivant les époques ! La qualité de personne humaine d’un fœtus ne peut provenir que de ce qu’il est intrinsèquement et non pas d’une donnée lui étant parfaitement étrangère. Ce critère est un parfait non-sens. Pourtant, il y a consensus autour de ce critère ! De nombreuses juridictions ou lois y réfèrent. Il est dans ce monde des choses difficiles à s'expliquer.
La critique de ce critère cependant n’est pas le sujet du propos. Quelles que soient les raisons de ce critère, il demeure que le retenir pour se prononcer sur la mort d’un fœtus atteste très clairement que la protection du fœtus dépend actuellement de ce qu'il est (viable ou pas).
Il fut relevé appel de ce jugement.
• Cour d’Appel de Lyon, 13 mars 1997 :
La Cour d’appel infirma le jugement de première instance avançant que « l'examen anatomo-pathologique avait permis de conclure que le poumon fœtal présentait un âge de 20 à 24 semaines (…) un âge très proche de celui de certains fœtus ayant pu survivre aux Etats-Unis ». Elle ajouta aussi que : « les photographies (...) montrent un enfant parfaitement formé dont la vie a été interrompue par la négligence du prévenu ».
Les mots « enfant parfaitement formé » relatent très clairement qu'il est nécessaire que le fœtus soit quelqu'un (un enfant) pour que la violation du Droit puisse être retenue.
En cassation, la Cour cassa l’arrêt attaqué sur le principe de la stricte interprétation des délits et des peines : aucune loi n’incriminant l’atteinte à la vie d’un fœtus, la Cour d’appel ne pouvait se permettre d’y procéder. (Il est à noter que le législateur n’a pas actuellement traité de ce type d’atteinte car il n’a pas souhaité statuer sur la question : « fœtus = quelqu’un ? ». Cette question serait pourtant - en l’état actuel du Savoir sur l’HD - la première à se poser. L’idéologie a tristement pris le dessus et fait taire toute initiative du gouvernement ou de l’Assemblée allant dans ce sens. Le sort réservé à l’amendement Garraud sur le délit d’interruption involontaire de grossesse le démontre bien).
• Affaire Vo c/ France. Cour européenne des Droits de l’Homme, 8 juillet 2004.
Cet arrêt est probablement l’une des décisions les plus emblématiques sur ce sujet. Il s'agit de la suite de l'affaire de Lyon devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
La requérante, Mme Vo, ayant épuisé les voies de recours internes, conformément à l’article 35 de la Convention européenne, saisit la Cour européenne, et au motif que le chef d'homicide involontaire n'avait pas été retenue, accusa la France de violer l’article 2 de la Convention qui dispose que « le Droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ».
Les mots de la requérante en faveur de l’applicabilité de l’article 2 furent plus que significatifs : « L’enfant conçu et non encore né n’est ni un amas de cellules, ni une chose ; il est une personne ». La Cour changea, mais l’argumentaire demeura le même. La requérante plaida sa cause en arguant que son fœtus était quelqu’un.
Dans son arrêt, la Cour fit une description de la condition juridique du fœtus au sein de différents Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi qu'au sein de divers traités internationaux, puis elle conclut : « La Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable ni même possible actuellement de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître (à savoir le fœtus) est une « personne » au sens de l’article 2 de la Convention ». Le sujet du foetus est fortement politisé (la question du statut du foetus sous-tend la délicate question du droit à l'avortement) et sur un territoire aussi vaste que celui sous la législation du Conseil de l'Europe, les positions sur ce sujet sont très variées. Les lois anglaise et polonaise sont par exemple loin d'être identiques, et craignant heurter les différentes sensibilités et croyances présentes sur cet immense territoire, la Cour préféra s’abstenir de prendre position. Elle préféra ne pas statuer et laisser aux États le soin de légiférer. Ce positionnement est fortement contestable, car sur un sujet aussi précieux que les débuts de l’Homme, il consiste à faire qu'il y ait autant de possibilités, d’avis, qu'il y a d’Etats. C'est réduire l’Universel (l'Homme) à l'opinion de chacun. Il serait possible de disserter davantage sur cette décision, cependant - encore une fois - tel n’est pas le propos de cette rédaction.
Dans cet arrêt, si la Cour n’apporta aucune réponse à la question de savoir si le fœtus est une personne, elle exprima néanmoins clairement concevoir que la protection du fœtus réside dans la réponse donnée à cette question.
• Cour d’Appel de Metz, 3 septembre 1998.
Dans cette affaire, une femme fut victime d’un accident de la route alors qu’elle était enceinte de 6 mois. Elle accoucha quatre jours plus tard d’un enfant mort-né.
En première instance, il avait été jugé que le fœtus victime de l'accident était « viable ». Toutefois, par un arrêt en date du 3 septembre 1998, la Cour d’appel de Metz infirma ce jugement estimant qu’il « ne peut y avoir d’homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré ». Il ne fut plus question de viabilité, mais de naissance et de respiration. De nouveaux critères, mais toujours la même idée ! Comme dans les autres affaires, l'arrêt fut totalement focalisé sur ce qui « était (...) au moment des faits ». On ne parla que du fœtus décédé, aucun mot pour cet enfant qui, ce jour-là, n’était pas aux côtés de sa mère, laquelle cherchait pourtant à lui rendre justice.
Cette affaire prouve, encore une fois, l’ignorance totale du Savoir mis à jour.
Etrangement, alors que la Cour d’Appel avait aligné sa décision sur la jurisprudence de la Cour de Cassation, il fut invoqué l'argument de la viabilité auprès de la Cour de Cassation : « provoquer la mort d’un enfant à naître constitue le délit d’homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits ». La Cour de Cassation, le 29 Juin 2001, naturellement, rejeta cette demande au motif de la stricte interprétation des délits et des peines.
• Cour d’Appel de Versailles, 19 janvier 2000.
Alors qu’une femme était entrée en clinique en vue d’accoucher, une anomalie dans le rythme cardiaque du foetus se manifesta. La sage-femme décida de ne pas appeler le médecin. Le lendemain le médecin constatait la mort in utero du foetus.
En première instance, le médecin fut relaxé, la Cour d’Appel de Versailles infirma cependant, le 19 janvier 2000, ce jugement et retint le chef d’homicide car « le fœtus avait une taille de 50.5 cm et un poids de 2.5 kg », car les photos rapportaient « l’image d’un bébé parfaitement conformé », car « cet enfant était à terme » et car « il avait la capacité de survivre par lui-même, disposant d’une humanité distincte de celle de sa mère ».
Encore une fois, la Cour fonda sa décision en répondant à la question de savoir si le fœtus tué était quelqu’un. Toujours la même démarche, toujours la même erreur.
La Cour de Cassation cassa la décision de la Cour d’appel sur le fondement de la stricte interprétation de la loi pénale.
-
Au niveau national, il est possible de reprendre le débat ouvert en 2001 par la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. En vertu de l'article 61 de la Constitution, des sénateurs saisirent le Conseil Constitutionnel pour invalider la disposition de cette loi étendant le délai de recours à l'ivg de 10 à 12 semaines de grossesse. Il fut avancé qu'à 12 semaines, « l'enfant à naître (terme générique utilisé pour désigner cette entité qui va de la conception à la naissance) » n'est plus un embryon, mais devient un fœtus : « le seuil de la douzième semaine conduit à le faire regarder (...) comme étant graduellement devenu un fœtus ». Suivant cet argument, une distinction est à faire entre l'avortement d'un fœtus et celui d'un embryon, le fœtus étant à la différence de l'embryon quelqu'un. Il fut aussi dit que « les progrès de la médecine (...) permettent de discerner le sexe de l'enfant à naître avec une très grande fiabilité à partir de la dixième semaine ». Argument sans équivoque. Il y est clairement présenté une injonction à ne pas autoriser l'avortement à 12 semaines en se focalisant sur ce qu'est « l'enfant à naître » à ce niveau de développement : une entité devenue un fœtus, une entité possédant un sexe, etc…
Le Conseil rejeta le recours, le délai fut validé, mais dans leur décision, les juges de la loi ne manquèrent pas - de façon non moins claire - de présenter que la réponse à la question du respect de l’embryon (ou du fœtus) réside bien dans la question Erronée : « à partir de quel stade de la gestation y a-t-il « personne humaine » disposant du droit à la vie ? (la précision "disposant du Droit à la vie" est une redondance car s'il y a une personne humaine, il y a un Droit à la vie. Mots de trop, mots inutiles) ». Le Conseil comme beaucoup de Cours Constitutionnelles rappela que les délimitations de sa fonction (le contrôle de la Constitution) ne l'autorisaient pas à répondre à cette question : « dans le silence de la Constitution, elle (la réponse à la question Erronée) relève de la métaphysique et de la médecine et non du juge des lois ». Il renvoya au législateur le soin de se prononcer sur cette question : « il revient à lui seul de dire quel est le seuil, au cours de la gestation, au-delà duquel il y a « personne humaine ». A au moins 3 reprises, le Conseil exposa mot pour mot la question Erronée. Comment être plus explicite !
Citons quelques décisions d’autres Cours constitutionnelles :
Dans l’affaire du 23 novembre 1998, la Cour Constitutionnelle hongroise dit qu’il ne lui revenait pas de déterminer « si le fœtus est une personne (c'est-à-dire quelqu’un) ». Elle rappelait que seul le Parlement était compétent pour répondre à cette question. La Cour Constitutionnelle autrichienne, plus directement, dans sa décision du 11/10/1974, a de son côté estimé que : « l’enfant à naître n’est pas une personne ». De l’autre côté de l’Atlantique, dans une décision du 16/11/1989, Daigle, la Cour Suprême canadienne, estima elle aussi que « l’embryon n’est pas une personne ». Aux Etats-Unis, la fameuse décision de la Cour Suprême, Roe v Wade de 1973, reconnut à la femme le droit d’avorter jusqu’à l’instant de viabilité. Une viabilité qu’elle estimait résider aux alentours du 7ième mois de grossesse (aujourd’hui, des foetus de 5 mois parviennent à survivre). Dans sa décision du 29/06/1992, Planned parenthood of south eastern Pennsylvania vs R.P.Casey, cette même Cour Suprême rappela ce droit pour une femme de recourir à l’avortement avant la date de viabilité du fœtus : « la Constitution des Etats-Unis interdit aux Etats de soumettre à une difficulté excessive, dans la période de « préviabilité » de grossesse, l’exercice par une femme de son droit de choisir si elle aura recours à l’avortement ».
Ces quelques énumérations de décisions constitutionnelles validant les lois sur l'avortement, montrent que les Cours Constitutionnelles ont, elles aussi, toujours statué sur l’embryon (ou le foetus) qu’à partir de ce qu’il est et jamais en regardant du côté de son devenir.
En lui faisant prendre des dispositions contraires aux valeurs qu'elle proclame, l’Erreur a triomphé de la République.
Notre République a été trompée, dupée et aujourd'hui, sortant de l'Erreur, elle ne peut que pleurer tous ses enfants qu'elle n'a pas su protéger !
Alors qu'on pense juger le plus justement une affaire, l'apparition d'un élément nouveau peut tout remettre en cause. Dans toutes ces affaires relatives au sujet de l'embryon/foetus, l'élément jamais considéré et dont la prise en compte vient tout bouleverser, c'est la valeur à donner à la personne que l'embryon ou le foetus est à l’avenir.
Passer d'une donnée juridique à une autre, c'est faire s'écrouler ce paradigme dans lequel se berçait confortablement la société, celui d'un droit à l'avortement qui est un droit de la femme :
> IIIB