(Apprendre à considérer celui qui n'est pas là aujourd'hui)
Innocentem non condemnari (un innocent ne doit pas être condamné) :
Aux lendemains de l’accident survenu hier, celui-ci déplore l'absence de son enfant à ses côtés. Aux lendemains de l'avortement commis hier, cet autre se réjouit de l'absence de son enfant à ses côtés.
Une incohérence est dans le ressenti face à l’absence d’un enfant aujourd’hui.
Une incohérence signifie une erreur ; chacun sait où est la réaction erronée !
"L'acte ne doit pas être jugé en se demandant si quelqu'un a été tué hier, mais en observant que quelqu'un manque d'être là aujourd’hui"
Apprendre à considérer l’Homme destiné à être, c’est apprendre à considérer autrement celui qui a été privé d'être là aujourd’hui.
Il est, dans la partie qui suit, relaté ce nouveau regard porté sur celui qui, en raison de l’acte commis hier, n’est pas là aujourd’hui. Il est, dans la partie qui suit, relaté ce nouveau regard porté sur celui qu‘on se permet de nommer l’ « l’Absent » :
"A la suite de l'accident survenu hier, qui pleure-t-il ?"
« Seul cet embryon existait hier. En le détruisant, je n'avais donc porté atteinte qu'à cet embryon. A cet embryon et à rien d'autre. Surtout pas à quelqu'un ! Voilà ce que je m’étais toujours dit.
Cependant, il y a plusieurs années, un père a perdu sa fille dans un accident, et plus d'une fois, je l'ai entendu, seul, le soir, pensant à elle, soupirer : « Pourquoi n’es-tu pas là ! Pourquoi n’es-tu pas là ! ».
A la suite de cet accident, que déplore ce père ? L’absence de sa fille aujourd'hui. Or, cette fille qui n'est pas là aujourd'hui, qui est-elle ? Est-ce cette fillette qu’on vit hier morte sur le bord de la chaussée ? O ! Nullement ! Celle qui n'est pas là aujourd'hui, ce n'est pas celle que cette fillette était hier, au moment de l'accident. Celle qui n'est pas là aujourd'hui, qui est aujourd'hui absente, c'est celle que cette fillette serait aujourd'hui devenue si cet accident ne s’était pas produit hier.
Le Drame ne réside pas dans celui que tu as vu hier, mort sur le bord de la chaussée, mais dans celui que tu ne vois pas aujourd’hui faire sa vie à tes côtés !
Ce père répond ainsi à cette Compréhension qui a toujours été la mienne de la victime d'un tel acte. Il dit que la victime de cet accident ne se limite pas à cette seule personne qui existait au moment de l'acte et qui a été tuée par l'acte. Il dit que la victime de cet accident, c'est aussi cette personne qui n'existait pas au moment de l'acte, cette personne qui à cet instant était à venir et qui ce jour-là, le jour de l'accident, a été privée à jamais d'être !
Dès lors, suite à cet acte que je me suis permis d'accomplir hier, que dois-je penser ? Dois-je continuer à penser que la victime de cet acte ne réside que dans cet embryon qui existait à cet instant ? Ne dois-je pas plutôt, à l’image de ce père, concevoir que la victime de mon acte est d'abord et surtout cet enfant qui à cet instant été à venir et qui a été privé à jamais d'être ? Cet enfant qui, chaque jour qui passe, n’est pas là à mes côtés, cet enfant qui, chaque jour qui passe, demeure... absent ? »
"Je disais n’avoir tué qu’un embryon ; je dis maintenant avoir fait un Absent !"
Ces larmes qui coulent le long de ton visage, que disent-elles de la victime de l'acte commis hier ?
Ces larmes, à qui sont-elles dédiées ? Au tué ou à l'Absent ? A celui qui existait hier ou à celui qui n'existe pas aujourd'hui ?
"Cet enfant ne devait pas exister hier pour que son Droit puisse être violé ; son Droit a été violé du simple fait qu’il n’existe pas aujourd'hui"
Violer le Droit d'être là demain de quelqu'un, c'est faire que demain ce quelqu'un ne sera pas là, c'est faire que ce quelqu'un sera demain absent. L'Absent (celui qui était hier à venir et qui n'est pas là aujourd'hui) est la donnée caractéristique de la violation du Droit d'être là demain :
Quelqu'un est destiné à être, ...
... et quand demain arrivera, ce quelqu'un sera là.
Quelqu'un est destiné à être, ...
... et quand demain arrivera, ce quelqu'un ne sera pas là, il n'existera pas, il sera Absent.
L'Atteinte à l'Homme, la diminution de la condition humaine apparaît clairement : Quelqu'un serait, mais ce quelqu'un n'est pas.
A la place de quelqu'un, personne ! Un Homme réduit à ne pas être, à n'être rien.
Afin de signifier qu’il n’y a personne, mais qu’il devrait y avoir quelqu’un, afin de signifier qu’il n’y a personne car quelqu’un a été privé d’être, il fut décidé d’utiliser le symbole : « ... ».
Celui qui devrait être, mais qui n’est pas, c’est l’Absent. Ce symbole signifie qu’il y a un Absent.
"Aujourd’hui, il n’y a pas personne ; aujourd’hui, il y a un Absent !"
C’est l’histoire de deux chaises, les deux vides. L’une l’est, et il est normal qu’elle le soit, il n’a jamais été prévu que quelqu’un soit sur cette chaise. L’autre, par contre, l’est, mais il n’est pas normal qu’elle le soit. Il était prévu que quelqu’un soit sur cette chaise, mais un acte est survenu hier qui décida que personne ne serait sur cette chaise. Que voit-ondes deux côtés ? Rien. Plus exactement, deux chaises et personne, ni sur l’une, ni sur l’autre.
Il y a deux chaises, les deux vides, deux images parfaitement identiques, ces deux chaises cependant ne sont identiques que sur ce qu’elles laissent paraître, que sur l’image qu’elles renvoient, car ces deux mêmes chaises vides, aussi similaires soient-elles, cachent une réalité bien différente. Il y a une chaise vide qui n’est qu’une chaise vide et une chaise vide qui reflète une absence. L’absence de quelqu’un, l’absence de cet enfant que l’acte commis hier a privé d’être aujourd’hui assis sur cette chaise.
De toutes ces chaises vides autour de moi, laquelle témoigne du drame survenu hier ?
C’est l’histoire de deux chaises, les deux vides, deux chaises sans personne dessus, et je regarde bien différemment ces deux mêmes chaises vides. Je regarde la première l’esprit tranquille me figurant qu’il est normal qu’elle soit vide alors que je regarde l’autre l’esprit meurtri, sachant me figurer, ne voyant personne aujourd’hui assis sur cette chaise, cet enfant à qui fut refusé le Droit d’être là aujourd’hui, assis sur cette chaise.
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"Considérer l'enfant qu'il n'est possible que d'imaginer comme une réalité qui aurait dû être"
« Hier, j'ai commis cet acte, et aujourd'hui, un enfant n'est pas là. J'ai déjà essayé de me le figurer cet enfant. Je me suis déjà demandé à quoi, à qui, il aurait ressemblé. Cependant, l'imaginant, je n'ai jamais rien ressenti de particulier. Il n'était que celui que j'avais choisi de ne pas avoir, celui dont j'avais décidé de ne pas faire une réalité ! Rien de plus. Il n'a toujours été qu'une simple éventualité que j'avais refusé de suivre.
Pourtant, il y a plusieurs années un accident s'est produit et un père a perdu sa fille dans cet accident. Aujourd'hui, cette fille n'est pas aux côtés de son père, et l'autre jour, ce père nous dit combien l’absence de sa fille se faisait, des années après l'accident, toujours vivement ressentir.
Il nous dit souvent se demander à quoi elle aurait ressemblé et nous avoua même régulièrement aimer l'imaginer vivre à ses côtés. Il nous dit qu'il lui avait donné une visage, celui qu'il lui connaissait déjà, un peu différent, plus adulte. Il nous dit qu'il lui demandait aussi conseil lorsqu'il a un choix à faire et qu'elle lui répond toujours avec beaucoup de sagesse. Il était tout enjoué, et il ajouta : « Elle est belle ! Elle est belle ! Une jeune femme éduquée, serviable, aimante », mais à ce dernier mot, il s'arrêta net. Dans sa pupille, cette joie cessa de scintiller subitement. Il était devint hagard, et après un court instant de songe, nous dévoilant des yeux tristes, il s'exclama vivement : « Mais, non ! Mais, non ! Regardez ! Où est-elle cette belle jeune femme ? Elle n’est pas ! Elle n'existe pas ! Elle n’est qu’un vain songe, un fantôme, dans mes pensées ! ». Puis, il se mit à sangloter.
Voyez-vous la différence entre les mots de ce père et les miens ? Que disait ce père au sujet de cette enfant qu'il ne pouvait aujourd'hui qu'imaginer ? Disait-il que cet accident ne l'avait que privée d'être aujourd'hui une réalité ? Ô ! Il déplorait tout au contraire que cette jeune femme ne soit pas aujourd'hui une réalité ! Il déplorait qu’à la place d'être aujourd'hui une réalité, elle ne soit aujourd'hui qu’un vain songe dans ses pensées !
"Suivant l’étendue de notre considération, ce même Homme qu’on « avait juste empêché de devenir une réalité » devient « une réalité qu’on a privée d’être »"
Que dois-je donc dire, à mon tour, au sujet de cet enfant que je ne peux aujourd'hui qu'imaginer ? Dois-je continuer à penser que ce songe ne réfère qu’à la réalité qui aurait pu être ? Ne dois-je pas plutôt, à l'image ce père, voir dans ce songe cette réalité qui aurait dû être, cet enfant qui devait être là aujourd'hui, mais qui faute de mon acte a été réduit à n'être aujourd'hui qu'à l'état de vain fantôme dans mes pensées ? »
La nouvelle considération portée à un Homme se transpose d’abord dans les mots :
Celui qui n'était qu' « un songe dans notre esprit qu'on n'avait que privé d'être aujourd’hui une réalité » devient « une réalité qui serait là, mais qu'on a réduit à n'être aujourd'hui qu'un songe dans notre esprit » !
"Aux lendemains d’un conflit, regardant aux alentours, on observe qu’il y a ceux qui sont là et ceux qui sont absents"
# Aujourd’hui encore, il y a des Absents.
« La société de hier et celle d’aujourd’hui sont-elles vraiment différentes ? Il manquait des gens hier dans les rues, il en manque toujours aujourd’hui. L’acte aboutissant à ce résultat était hier légal, il l’est toujours aujourd’hui. Rien n’a changé. Les temps ne sont pas différents, on est toujours aujourd’hui comme hier entourés de toutes ces présences manquantes, de toutes ces présences laissées à l’imagination. Il y a toujours aujourd’hui comme hier tous ces fantômes alentours qui, aujourd’hui comme hier, nous rappellent au drame de l’acte commis »
« Sur les places, sur les quais de gares, dans les cours d’école, celui qui sait voir au-delà des apparences trompeuses d’une société pacifique, celui qui sait percevoir la réalité cachée derrière les rires et la joie alentour, se pose cette question, toujours la même, celle que se posaient ses ancêtres dans des temps plus sombres :
« Combien en manquent-ils ? »
"Que serait devenu ce million d’enfants (...) ? Des philosophes, des artistes, de grands savants ou plus simplement d’habiles artisans ou des mères de famille ?"
Cette page traite de l’Atteinte que constitue la violation du Droit d'être et de la Victime de cette Atteinte : celui qui n'est pas, l’Absent. Il est proposé, dans le texte qui suit, une rédaction plus soutenue sur le thème de l’Atteinte et de la Victime (victime = entité subissant l’Atteinte). Il y est exposé deux points essentiels à la caractérisation d’une Atteinte : l’emploi du conditionnel et le recours à l’imagination.
PDFLa pensée exposée condamne l’avortement en raison de cet Homme que cet acte prive d’être là demain.
Une confusion est alors régulièrement faite, celle de penser que la contraception serait de même à condamner sur le fondement de cette pensée, celle-ci ayant le même aboutissement que l'avortement : faire que quelqu’un ne soit pas là demain. Cependant, l’avortement est condamnable non pas car « il fait que quelqu’un ne soit pas là demain », mais car, pour atteindre cet objectif, « il prive quelqu’un - celui qui est à venir - d’être là demain ».
Aussi, si ces deux pratiques proviennent toutes deux du souci qu’un enfant ne soit pas là demain, elles sont d’une nature tout à fait différente. L’une remplit cet objectif innocemment, en ne privant personne d’être, alors que l’autre, au contraire, pour atteindre cet objectif, va priver l’enfant qui est à venir d’être.
Le lien qui suit explique davantage pourquoi il est erroné de confondre avortement et contraception :
Il y a la réalité qui est, celle d'un enfant jouant sur la plage et il y a la réalité qui aurait été si l'acte n'avait pas été accompli, celle de deux enfants jouant sur la plage.
Il est alors à se demander si la réalité qui est est bien une réalité qui pouvait être, et si la réalité qui aurait été si l'acte n'avait pas été accompli, n'est pas la réalité qui devait être ?
Il aurait pu y avoir un enfant supplémentaire et il nous faut savoir si cet enfant pouvait être l'objet d'un choix ou devait être le sujet d'un Droit ?